À première vue, l’idée peut sembler presque absurde. Depuis plus de quinze ans, le smartphone suit une trajectoire que l’on croyait immuable : toujours plus puissant, plus rapide, mieux doté en mémoire. Mais voilà une pénurie critique de mémoire pourrait bien enrayer cette mécanique bien huilée et contraindre les constructeurs à revoir leurs ambitions à la baisse, au point d’inverser temporairement le sens du progrès.
Pourquoi cette pénurie soudaine de mémoire
Un phénomène économique discret, mais bien réel, est en train de rebattre les cartes. À partir de 2026, le secteur pourrait connaître un véritable bond en arrière technique.
Non pas par manque d’innovation ou d’idées, mais à cause d’une pénurie critique de mémoire. Une situation inédite, qui commence déjà à inquiéter les fabricants. Et qui risque, très concrètement, de se faire sentir dans les rayons.
Et contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, il ne s’agit pas d’un problème de capacités industrielles. Les usines fonctionnent, les chaînes de production sont opérationnelles. Le coeur du problème se situe ailleurs, et il tient à une notion simple : la priorité.

Dans ce contexte, l’intelligence artificielle est devenue la véritable locomotive du marché. Les infrastructures qui l’alimentent reposent sur des serveurs voraces en mémoire hautement spécialisée, à commencer par la HBM High Bandwidth Memory.
Ce type de composant, techniquement exigeant et onéreux à fabriquer, affiche en revanche des marges particulièrement élevées. Sans surprise, c’est aujourd’hui vers ces puces que se dirigent prioritairement les capitaux.
Conséquence immédiate : pour fabriquer cette mémoire haut de gamme destinée aux data centers, les industriels ont réduit, parfois sacrifié, la production de la mémoire dite grand public. La DRAM LPDDR, celle qui équipe nos smartphones, est passée au second plan.
Les effets ne se sont pas fait attendre. L’offre s’est contractée, les stocks se sont tendus, et les prix ont suivi. Fin 2025, certains modules de mémoire mobile affichaient déjà des hausses supérieures à 75 %. Un chiffre qui donne rapidement la mesure du problème.
Le bond en arrière technique qui se profile
Face à cette flambée des coûts, les constructeurs se retrouvent dans une impasse. Répercuter intégralement la hausse sur le prix final ? Difficilement envisageable. Augmenter un smartphone de 100 ou 150 euros serait tout simplement rédhibitoire pour une large partie des acheteurs.
La solution retenue est donc plus discrète, presque invisible à première vue. Elle porte un nom bien connu dans l’agroalimentaire, mais qui s’applique désormais à la tech : la shrinkflation (ou réduflation en français). Le prix reste à peu près stable. La fiche technique, elle, s’allège subtilement.
Concrètement, les modèles attendus en 2026 pourraient afficher des caractéristiques en net recul par rapport aux standards actuels.
Sur l’entrée de gamme, les smartphones aujourd’hui proposés avec 6 ou 8 Go de RAM pourraient revenir à 4 Go. Un chiffre qui évoque presque une autre époque, surtout face aux usages actuels.
Sur le milieu de gamme, le couple 12 Go de RAM et 256 Go de stockage, devenu courant en 2024 et 2025, laisserait place à des configurations plus modestes : 8 Go de RAM et 128 Go de stockage.
Sur le haut de gamme, la montée progressive vers 16 Go de RAM, que beaucoup voyaient comme une nouvelle norme, pourrait être stoppée net. Le plafond se situerait autour de 12 Go, sauf exceptions bien ciblées.
Pourquoi l’entrée de gamme encaisse le choc
La raison est avant tout économique. Une question de marges, et rien d’autre.
Sur un smartphone premium vendu plus de 1 200 euros, comme un iPhone Pro ou un Galaxy S Ultra, le constructeur dispose d’une marge confortable. Une hausse de quelques dizaines d’euros sur le coût de la mémoire peut être absorbée, ou diluée, sans provoquer une fuite massive des clients.
À l’autre extrémité du spectre, la réalité est bien différente. Sur un smartphone à 200 euros, chaque euro compte. Les marges sont parfois dérisoires. Une augmentation de 10 euros sur le coût de la mémoire peut suffire à faire basculer tout le modèle économique.
Dans ce cas, le fabricant n’a que deux options. Augmenter le prix de 20 %, ce qui serait suicidaire sur ce segment ultra concurrentiel. Ou réduire drastiquement la quantité de mémoire embarquée. Le choix est vite fait.
Le retour inattendu de la carte MicroSD
C’est sans doute l’un des effets les plus ironiques de cette pénurie. En cherchant à optimiser leurs coûts, les constructeurs pourraient ressusciter une technologie qu’ils tentaient discrètement d’enterrer depuis des années : la carte MicroSD.
Face à l’impossibilité de proposer 256 ou 512 Go de stockage interne à bas prix, certains fabricants envisagent sérieusement de réintroduire un port carte mémoire. L’idée est simple, presque pragmatique.
Moins de stockage interne, mais la liberté d’en ajouter soi-même. Une promesse qui pourrait séduire un public lassé des limitations imposées depuis des années.
Ce que cela change pour le consommateur
Pour l’acheteur averti, cette situation crée un décalage inattendu. Les smartphones actuels, commercialisés fin 2024 ou courant 2025, pourraient offrir un meilleur rapport qualité prix que leurs successeurs directs.
Un modèle de 2024 équipé de 8 Go de RAM pourrait, d’un point de vue purement technique, s’avérer plus performant et plus durable qu’un modèle de 2026 bridé à 4 ou 6 Go. Une réalité déroutante, presque frustrante.
Comme quoi, dans la tech aussi, le progrès n’est jamais totalement linéaire. Il avance, parfois, à contretemps. Et oblige occasionnellement à regarder d’un autre oeil des technologies que l’on croyait définitivement reléguées au passé.
Source : WCCFTECH
